samedi 18 novembre 2017

Un hiver dans le Jura - #RDVAncestral


Guillaume du blog Le Grenier des Ancêtres nous invite tous les mois à remonter le temps pour partir à la rencontre d'un ancêtre et à raconter ce rendez-vous.


Ce mois-ci, j'avais envie de partir à la découverte de mes ancêtres paternels, dans le Jura. Je me trouve donc au Vaudioux, dans ce petit village près de Champagnole, dont sont originaires mes ancêtres paternels et là où, par hasard, j’ai fait mes premiers pas.

Par contre, je n'arrive pas à déterminer l'époque. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas le XXIème siècle. Pas de voitures, pas de lignes téléphoniques, et surtout pas d’église. Donc avant 1837.

Il fait très froid et la neige a envahi le village. Tout est blanc et silencieux. La neige épaisse craque sous mes pieds et j’aime la sensation que cela procure. Il faut dire que cela m’arrive rarement, à moi la parisienne émigrée en Charente.

En passant devant une petite maison du cœur du village, j’entends une femme hurler.  
Inquiète pour elle, je m'approche et me décide à pousser la porte. Je découvre alors une grande agitation. 

Des femmes vont et viennent sans cesse entre la pièce principale et une autre pièce que j’imagine être la chambre à coucher. Deux hommes sont attablés, près du feu, l’air un peu perdu. Personne ne fait attention à moi.

L'intérieur est assez simple, peu meublé, comme la plupart des habitations des paysans du XVIIIème siècle. Quelques bougies sur la table éclairent la pièce.

Un nouveau cri retentit de la pièce d’à côté. Je comprends qu’il s’agit d’une femme en train d’accoucher et visiblement, cela ne se passe pas sans difficulté. 

Soudain, l’une des femmes revient dans la pièce et interpelle les deux hommes : «L'enfant est pratiquement sorti mais il y a de grands risques pour qu’il ne survive pas. Il faudrait procéder à l’ondoiement. Léonard, peux-tu venir m’aider? »

Sur ces mots, tout s’éclaire. Je suis donc dans la maison d’Alexis Paget et de sa femme Geneviève Paris, le 8 janvier 1767. J’assiste à la naissance de leur deuxième enfant, un petit garçon et Léonard est le frère d’Alexis et mon ancêtre, mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père.
Et parmi les femmes qui aident Geneviève, l’une d’elles doit être Marie Anne Paris, la femme de Léonard et la sœur aînée de Geneviève.

Alexis attrape le bras de son frère et le retient alors que Léonard se lève : « Fais tout ton possible, je ne veux pas que cet enfant erre dans les limbes, sa mère en deviendrait folle. »
« Je te le promets, Alexis. Et quand tout sera fini, on ira à Chatelneuf voir le curé ». 

En entendant ces mots, je fouille dans ma mémoire et réalise qu’il y a à peine plus d’un an, Alexis et Geneviève ont perdu leur premier enfant, un petit garçon prénommé Jacques et âgé de quelques jours seulement. 
Je n’arrive pas à imaginer le déchirement que ce doit être alors je n'ose imaginer ce que ce doit être de connaitre cette terrible situation plusieurs fois dans sa vie. Ajoutez à cela le poids de la religion et l'importance du baptême dans la vie de nos ancêtres... 
Je réalise alors un peu plus la chance que j’ai de vivre là où je vis et à l’époque à laquelle je vis...

Banque d'images et de portraits - Cote : CISB0806 - BIU Santé Paris

L’avantage (ou pas?) de ces rendez-vous ancestraux est que ceux qui s’y aventurent connaissent souvent la fin de l’histoire. 

Et justement, sachant que cette histoire ne se terminera pas bien, je sors discrètement de la petite maison pour laisser cette famille vivre ce moment en paix. 

En effet, selon le registre paroissial de l'église de Chatelneuf, Léonard procède finalement à l’ondoiement par « infusion de l’eau sur le ventre » du bébé qui était sorti « sauf la tête ».
Une demi-heure plus tard, c'est un petit garçon qui naît mais malheureusement les parents n'auront pas le temps de lui donner un prénom puisqu'il décède quelques minutes plus tard. Le lendemain, le 9 janvier, il est inhumé dans le cimetière de l’église de Chatelneuf, à 3 km du Vaudioux, dans le froid et la neige de l'hiver jurassien.

La petite église de Chatelneuf, avec son clocher typiquement jurassien, et son cimetière. Wikipedia

6 commentaires:

  1. La neige, le froid, dans le Jura… Ce RDVAncestral donne des frissons et de l’émotion.

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    1. Merci pour ce gentil commentaire. J'ai eu beaucoup d'émotion également en découvrant l'acte de baptême & sépulture dans le registre. C'est la première fois que je lisais autant de détails.

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  2. Beaucoup d'émotion aussi, car ce récit traduit fort bien la panique, la douleur, la dure réalité des enfantements

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    1. Merci pour ton commentaire Fanny. Toute cette partie là est imaginée, heureusement pour moi. Mais je ne peux pas m'empêcher de ressentir beaucoup de compassion pour les femmes qui voyaient leur enfant naitre mort-né ou mourir quelques heures après l'accouchement.

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  3. Ce #RDVAncestral donne froid dans le dos... Il faudrait lire plus d'histoires de cette verve pour apprécier pleinement la chance que nous avons de vivre à notre époque.

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    1. Merci Catherine pour ce commentaire! Je me rends souvent compte de la chance que j'ai quand je suis plongée dans les registres...

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