Il y a un mois, j’étais en vacances en Bourgogne pour participer à un festival de spectacle vivant.
Après
le festival, j’ai fait ma petite escapade habituelle à Vézelay. Mais
pour une fois, je n’y suis pas restée la journée entière car j’avais une
idée derrière la tête…
Il
y a quelques temps, en effet, j’ai découvert qu’une partie de mes
ancêtres maternels étaient originaires d’un tout petit village de
l’Yonne, à la limite de la Nièvre, Chastellux-sur-Cure. Et il se trouve
que ce village est situé à une vingtaine de kilomètres de Vézelay.
Alors,
ni une ni deux, je prends la direction de cette toute petite commune de
10.5 km² et 140 habitants environ aujourd’hui et vers un haut lieu de
pèlerinage pour les généalogistes, l’église et le cimetière attenant.
L’église
Saint-Germain n’étant malheureusement pas ouverte, je fais seulement le
tour du cimetière et prends quelques photos des tombes dont les noms me
parlent. Je dois avouer que je ne suis pas très à l’aise de prendre des
photos dans ce lieu tranquille et sacré, j'ai l'impression de
déranger...
L'église Saint-Germain, Chastellux - Collection personnelle |
L'église et l'ancien cimetière de Chastellux - Collection personnelle |
Après
avoir salué tous ces pauvres gens, je prends la direction indiquée par
le panneau : la mairie. Bêtement, je me dit qu'elle ne doit pas être
très loin.
Sauf que voilà, j'aurais dû me
rendre compte que tout proche du Morvan, le village est très vallonné,
les routes sinueuses et les hameaux assez éloignés les uns des autres.
Et
je me retrouve lancée sur une petite route bien escarpée, sous la
chaleur écrasante du milieu d'après-midi, à me demander si mon objectif
est juste après ce virage-ci ou ce virage-là.
Au
bout d'une dizaine de minutes de marche, je m'arrête sur un gros tronc
d'arbre couché le long de la route, légèrement à l'ombre, pour
reprendre mon souffle (les activités sportives n'ont jamais été mes
matières préférées...).
Sur le chemin de la mairie. Au loin, le hameau de La Rivière - Collection personnelle |
Je réalise que je n'ai pas encore croisé âme qui vive depuis que je suis arrivée dans ce village et me laisse bercer par le calme qui règne sur ce bord de route.
Après
quelques instants, je perçois des bribes d'une conversation
et distingue quelques mètres plus bas sur la route trois hommes assez
pauvrement vêtus. Ils ont l'air particulièrement joyeux et l'un d'eux
porte un paquet dans les bras.
Lorsqu'ils
arrivent à ma hauteur, je remarque que ce que je prenais pour un
paquet est en réalité un tout petit bébé bien emmailloté, comme on
pouvait le faire encore il y a un siècle.
Ils
ont l'air intrigués de me voir et celui qui porte l'enfant m'interpelle
:
" - Bien le bonjour, ma p'tite dame, vous êtes perdue?"
" - Je cherche la mairie. "
"
- Ah, nous y allons justement, vous pouvez venir avec nous, j'y vais
déclarer la naissance de mon premier fils Gaston! Je m'appelle Antoine
Duvollet et voici mon oncle Edme Duvollet et Germain Millot, le frère de
ma femme, qui m'accompagnent. "
En
entendant ces mots, je comprends mieux pourquoi ils semblaient étonnés
de me voir : je ne sais comment, je me retrouve en juin 1840 devant mon
aïeul, Antoine, mais je suis vêtue d'un short en jeans et d'un tee-shirt
et je porte mon appareil photo autour du cou. Ils doivent me prendre
pour une folle échappée de l'asile ou pour une extra-terrestre! Ils
n'ont peut-être pas tort après tout...
Ils
ne me posent pas de question sur l'endroit d'où je viens ni la raison
pour laquelle je souhaite me rendre a la mairie; aussi, je me garde bien
de leur révéler les raisons de mon voyage, je ne voudrais pas les
effrayer ou, encore moins, leur mentir.
Je me joins donc à eux avec joie et entame une conversation.
" - Et bien, messieurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que ça monte chez vous! "
"
- C'est qu'on est à quelques kilomètres des montagnes du Morvan. Et
encore, moi, j'habite à La Rivière, et nous marchons depuis 20 minutes déjà, la plus grande partie en descente. Il faudra bien les remonter
au retour. Ça va, nous sommes encore jeunes, j'ai 26 ans et Edme 47 ans.
Mais pour mon père, avec qui nous vivons ma femme et moi, le chemin
commence à devenir difficile."
"
- Je me doute (je me garde bien de leur dire que j'y suis passée en
voiture il y a un peu plus d'une heure...) et je me disais qu'en hiver,
il doit être bien compliqué d'aller chercher le maire si besoin."
"
- Oui, d'ailleurs en janvier 1838, j'ai dû aller déclarer la naissance
de ma fille Charlotte. Il avait neigé la veille et la route
était verglacée. Il nous a fallu une matinée pour y aller et revenir. Le
petit étang que vous voyez là était gelé. J'ai eu peur pour ma petite
fille mais le voyage s'est déroulé sans encombre. Et, s'il y a une
urgence, le maire n'habite pas à la mairie, vous savez, il habite un
peu plus bas, vers l'église. "
Collection particulière |
En disant cela, Antoine me regarde goguenard et je me rends compte qu'il se moque un peu de moi...
" - Et vous, mademoiselle, que faites vous toute seule dans notre petit village ? "
"
- Oh, je voyage. Je rejoins ma tante qui habite dans un village un peu
plus loin et je suis originaire d'une petite ville près de Paris."
Voilà, ce n'est pas tout à fait la vérité mais il n'y a aucun mensonge
dans ce que je viens d'énoncer.
"
- Ah Paris! Je serai sans doute contraint de m'y rendre bientôt. Je
suis manouvrier et le travail se fait de plus en plus rare. Avec la
famille qui s'agrandit, ma femme et moi avons besoin d'argent et ce
n'est pas ici que nous en trouverons. Il paraît qu'à Paris, il suffit de
se baisser pour trouver un emploi, à condition d'être courageux et
travailleur. "
Avant
que j'aie pu lui répondre et le mettre un peu en garde, il me lance : "
Nous y sommes! Voici donc la mairie de Chastellux! "
Je me tourne vers la gauche et effectivement, la mairie est face à moi, a l'écart de toute autre habitation.
![]() |
Source : Wikipedia (J'étais tellement ravie de la voir que j'ai oublié de la prendre en photo...) |
Je me retourne à nouveau vers mes compagnons de voyage pour les remercier mais il n'y a plus personne. Ils ont disparu!
Je réalise alors que je n'ai fait qu'imaginer cette rencontre et que j'ai bel et bien fait le trajet seule.
Le
sourire aux lèvres, je continue ma promenade et je passe devant le
monument aux morts érigé en souvenir des enfants de Chastellux morts
pour la patrie puis devant le château des comtes de Chastellux,
malheureusement fermé le mardi (dommage, je n'ai pas pu le visiter...)
et appartenant toujours à la famille qui l'a édifié, au XIème siècle.
En
rejoignant ma voiture, je me dis que je reviendrai forcément ici, pour
continuer à marcher dans les pas de mes ancêtres et qui sait, peut-être
faire d'autres rencontres ancestrales...
NB
: hormis la rencontre d'Antoine bien sûr, tous les éléments de ce récit
sont exacts. J'ai bien croisé deux hommes avec qui j'ai discuté mais ils étaient bien de la même époque que moi, je vous rassure. En revanche, je ne pense pas que la mairie de 1840 soit
réellement celle que j'ai vue, son architecture me paraissant
postérieure. Néanmoins, j'ai choisi de faire cette petite entorse à la
réalité pour asseoir mon récit.
Ces superbes photos témoignent d’un voyage à la rencontre de tes ancêtres. Le #RDVAncestral est au plus proche de la réalité reconstituée, on croit marcher avec toi sur ce chemin !
RépondreSupprimerMerci Briqueloup pour ce gentil commentaire que je découvre seulement maintenant! Je suis heureuse si j'ai réussi à embarquer un peu les lecteurs avec moi
SupprimerMettre réellement ses pieds dans les traces de ses ancêtres est une joie réelle et, effectivement, imaginer ses ancêtres c'est déjà faire un bout de chemin avec eux
RépondreSupprimerMerci Catherine pour cette impression partagée. J'ai bien aimé me promener avec eux, même en imagination, c'est vrai
SupprimerEh bien, que voici un joli #RDVAncestral bien troussé ! C'est toujours émouvant de marcher dans les pas de ses ancêtres, les lieux ont certes un peu changé, la mairie n'était sans doute pas la même, mais les chemins, les haies, les montagnes au lointain sont sûrement proches de ce qu'ils ont connus...
RépondreSupprimerPS : ma fille (de bientôt 27 ans), se prénomme Charlotte, un prénom qui se donnait déjà au milieu du 19e siècle, je vois ;=)
Marie (@Eperra]
Oh merci Marie! Je pense effectivement que mon impression de marcher vraiment dans les pas de mes ancêtres a été accentuée par le fait que les lieux ont peu changé depuis le 19è... Et Charlotte est un très joli prénom :)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup le scénario et cette parenthèse temporelle dans ce cheminement vers la mairie ! Ces chemins vallonnés du Morvan s'y prêtent bien en tout cas.
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