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samedi 21 juillet 2018

Dans les pas de mes ancêtres… #RDVAncestral juillet 2018

Il y a un mois, j’étais en vacances en Bourgogne pour participer à un festival de spectacle vivant.

Après le festival, j’ai fait ma petite escapade habituelle à Vézelay. Mais pour une fois, je n’y suis pas restée la journée entière car j’avais une idée derrière la tête…

Il y a quelques temps, en effet, j’ai découvert qu’une partie de mes ancêtres maternels étaient originaires d’un tout petit village de l’Yonne, à la limite de la Nièvre, Chastellux-sur-Cure. Et il se trouve que ce village est situé à une vingtaine de kilomètres de Vézelay.

Alors, ni une ni deux, je prends la direction de cette toute petite commune de 10.5 km² et 140 habitants environ aujourd’hui et vers un haut lieu de pèlerinage pour les généalogistes, l’église et le cimetière attenant.

L’église Saint-Germain n’étant malheureusement pas ouverte, je fais seulement le tour du cimetière et prends quelques photos des tombes dont les noms me parlent. Je dois avouer que je ne suis pas très à l’aise de prendre des photos dans ce lieu tranquille et sacré, j'ai l'impression de déranger...

L'église Saint-Germain, Chastellux - Collection personnelle
L'église et l'ancien cimetière de Chastellux - Collection personnelle


Après avoir salué tous ces pauvres gens, je prends la direction indiquée par le panneau : la mairie. Bêtement, je me dit qu'elle ne doit pas être très loin.

Sauf que voilà, j'aurais dû me rendre compte que tout proche du Morvan, le village est très vallonné, les routes sinueuses et les hameaux assez éloignés les uns des autres. 

Et je me retrouve lancée sur une petite route bien escarpée, sous la chaleur écrasante du milieu d'après-midi, à me demander si mon objectif est juste après ce virage-ci ou ce virage-là.

Au bout d'une dizaine de minutes de marche,  je m'arrête sur un gros tronc d'arbre couché le long de la route, légèrement à l'ombre, pour reprendre mon souffle (les activités sportives n'ont jamais été mes matières préférées...). 

Sur le chemin de la mairie. Au loin, le hameau de La Rivière - Collection personnelle
Je réalise que je n'ai pas encore croisé âme qui vive depuis que je suis arrivée dans ce village et me laisse bercer par le calme qui règne sur ce bord de route. 

Après quelques instants, je perçois des bribes d'une conversation et distingue quelques mètres plus bas sur la route trois hommes assez pauvrement vêtus. Ils ont l'air particulièrement joyeux et l'un d'eux porte un paquet dans les bras.

Lorsqu'ils arrivent à ma hauteur, je remarque que ce que je prenais pour un paquet est en réalité un tout petit bébé bien emmailloté, comme on pouvait le faire encore il y a un siècle. 

Ils ont l'air intrigués de me voir et celui qui porte l'enfant m'interpelle : 
" - Bien le bonjour, ma p'tite dame, vous êtes perdue?" 

" - Je cherche la mairie. "

" - Ah, nous y allons justement, vous pouvez venir avec nous, j'y vais déclarer la naissance de mon premier fils Gaston! Je m'appelle Antoine Duvollet et voici mon oncle Edme Duvollet et Germain Millot, le frère de ma femme, qui m'accompagnent. "

En entendant ces mots, je comprends mieux pourquoi ils semblaient étonnés de me voir : je ne sais comment, je me retrouve en juin 1840 devant mon aïeul, Antoine, mais je suis vêtue d'un short en jeans et d'un tee-shirt et je porte mon appareil photo autour du cou. Ils doivent me prendre pour une folle échappée de l'asile ou pour une extra-terrestre! Ils n'ont peut-être pas tort après tout...

Ils ne me posent pas de question sur l'endroit d'où je viens ni la raison pour laquelle je souhaite me rendre a la mairie; aussi, je me garde bien de leur révéler les raisons de mon voyage, je ne voudrais pas les effrayer ou, encore moins, leur mentir.

Je me joins donc à eux avec joie et entame une conversation.

" - Et bien, messieurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que ça monte chez vous! "

" - C'est qu'on est à quelques kilomètres des montagnes du Morvan. Et encore, moi, j'habite à La Rivière, et nous marchons depuis 20 minutes déjà, la plus grande partie en descente. Il faudra bien les remonter au retour. Ça va, nous sommes encore jeunes, j'ai 26 ans et Edme 47 ans. Mais pour mon père, avec qui nous vivons ma femme et moi, le chemin commence à devenir difficile."

" - Je me doute (je me garde bien de leur dire que j'y suis passée en voiture il y a un peu plus d'une heure...) et je me disais qu'en hiver, il doit être bien compliqué d'aller chercher le maire si besoin."

" - Oui, d'ailleurs en janvier 1838, j'ai dû aller déclarer la naissance de ma fille Charlotte. Il avait neigé la veille et la route était verglacée. Il nous a fallu une matinée pour y aller et revenir. Le petit étang que vous voyez là était gelé. J'ai eu peur pour ma petite fille mais le voyage s'est déroulé sans encombre. Et, s'il y a une urgence, le maire n'habite pas à la mairie, vous savez,  il habite un peu plus bas, vers l'église. "

Collection particulière

En disant cela, Antoine me regarde goguenard et je me rends compte qu'il se moque un peu de moi...
" - Et vous, mademoiselle, que faites vous toute seule dans notre petit village ? "

" - Oh, je voyage. Je rejoins ma tante qui habite dans un village un peu plus loin et je suis originaire d'une petite ville près de Paris." Voilà, ce n'est pas tout à fait la vérité mais il n'y a aucun mensonge dans ce que je viens d'énoncer.

" - Ah Paris! Je serai sans doute contraint de m'y rendre bientôt. Je suis manouvrier et le travail se fait de plus en plus rare. Avec la famille qui s'agrandit, ma femme et moi avons besoin d'argent et ce n'est pas ici que nous en trouverons. Il paraît qu'à Paris, il suffit de se baisser pour trouver un emploi, à condition d'être courageux et travailleur. "

Avant que j'aie pu lui répondre et le mettre un peu en garde, il me lance : " Nous y sommes! Voici donc la mairie de Chastellux! "

Je me tourne vers la gauche et effectivement, la mairie est face à moi, a l'écart de toute autre habitation. 

Source : Wikipedia (J'étais tellement ravie de la voir que j'ai oublié de la prendre en photo...)

Je me retourne à nouveau vers mes compagnons de voyage pour les remercier mais il n'y a plus personne. Ils ont disparu!

Je réalise alors que je n'ai fait qu'imaginer cette rencontre et que j'ai bel et bien fait le trajet seule. 

Le sourire aux lèvres, je continue ma promenade et je passe devant le monument aux morts érigé en souvenir des enfants de Chastellux morts pour la patrie puis devant le château des comtes de Chastellux, malheureusement fermé le mardi (dommage, je n'ai pas pu le visiter...)  et appartenant toujours à la famille qui l'a édifié, au XIème siècle.

En rejoignant ma voiture, je me dis que je reviendrai forcément ici, pour continuer à marcher dans les pas de mes ancêtres et qui sait, peut-être faire d'autres rencontres ancestrales...



NB : hormis la rencontre d'Antoine bien sûr, tous les éléments de ce récit sont exacts. J'ai bien croisé deux hommes avec qui j'ai discuté mais ils étaient bien de la même époque que moi, je vous rassure.  En revanche, je ne pense pas que la mairie de 1840 soit réellement celle que j'ai vue, son architecture me paraissant postérieure. Néanmoins, j'ai choisi de faire cette petite entorse à la réalité pour asseoir mon récit.

samedi 17 février 2018

Pauvres ancêtres - #RDVAncestral Février 2017

Le 5 mai 1832, à Pont-Sainte-Maxence, à une cinquantaine de kilomètres au Nord de Paris. Il est environ deux heures de l'après-midi.
C'est une belle journée de printemps, il fait doux, la verdure a refait son apparition, les arbres fruitiers sont en fleurs. On devrait voir des gens dehors, bien installés afin de profiter de ces premiers beaux jours après l'hiver.

Et pourtant, si je croise bien des gens dans les rues, ils ne profitent pas du beau temps pour flâner. Au contraire, on ressent une certaine agitation et une grande inquiétude dans la ville.

Et c’est bien compréhensible. 

En effet, depuis quelques semaines, l’épidémie de Choléra Morbus sévit dans la petite cité, après avoir fait des ravages à Paris et dans d’autres villes alentours. 


Aujourd'hui, j'ai choisi d'aller à la rencontre de Jean Dominique Barbiot, mon SOSA 240. C'est un jour extrêmement triste pour lui : son fils Pierre Dominique vient de mourir des suites de cette terrible épidémie à l'hospice civil de la ville, à l'âge de 37 ans. Pierre Dominique était né le 1er Brumaire an III à Pont et c'est le frère de mon SOSA 120, François Désiré Barbiot.

J'aperçois Jean Dominique sur le chemin de l'hôtel de ville alors qu'il s'apprête à y déclarer le décès.

Il est âgé de 66 ans. Il a les cheveux blancs, le dos un peu voûté et est habillé d'un costume marron assez bon marché et chaussé de sabots de bois. Après avoir exercé les métiers de tanneur et de journalier, il est aujourd'hui jardinier et vit dans une assez grande misère. Ainsi, le recensement de 1831 nous indique qu'il n'est pas soumis à aucun impôt local : ni contribution foncière, ni contribution mobilière, ni contribution des patentes ni la célèbre contribution sur les portes et fenêtres. 

Il me parait digne dans cette épreuve ; sans doute s'y était-il préparé. Pierre Dominique était malade depuis très peu de temps mais les symptômes du choléra sont si violents et impressionnants que le médecin avait préféré le faire entrer à l'hospice. En outre, à la fin du mois d'avril, il y avait déjà 19 décès liés au Choléra Morbus sur les 109 cas recensés, d'après les bulletins sanitaires publiés quotidiennement. 

Pour cette formalité, il est accompagné du garde-champêtre. En m'approchant d'un peu plus près, alors que je m'apprête à lui parler, je m'aperçois qu'ils sont en grande discussion et Jean Dominique semble tout de même en colère :

" Il parait que les gens de Paris veulent obliger tous les propriétaires à installer des latrines fermées, à paver les cours et interdire de jeter les détritus dans la rue. Moi, je comprends bien, mais comment on fait, nous qui avons déjà du mal à nourrir convenablement nos familles?
On voit bien que la plupart des malades sont des pauvres gens qui vivent dans des maisons qui tombent en ruines, dans des rues étroites jonchées d'ordures mais ils ne vivent pas là par plaisir.
" On a pourtant tout fait de ce que prescrit la Commission sanitaire : on a couché Pierre après l'avoir enveloppé dans des couvertures de laine, on a essayé de calmer ses frissons comme on a pu, on lui a faire prendre des tisanes de plantes aromatiques tous les quarts d'heure... Rien n'y a fait... Je ne comprends pas...
Avis émis par le Préfet de Seine-et-Marne le 23/08/1832 - © Blog La part de Brie
" Et je crois que les docteurs n'en savent pas beaucoup plus que nous. Ils se contentent de prescrire des infusions ou des bains de jambes. Je ne les blâme pas, je voudrais comprendre ce qui est arrivé à mon fils.
" Malheureusement, je pense que personne ne sait vraiment comment arrêter ces morts. La preuve, tu as vu, Monsieur le Curé a offert une pièce du presbytère pour y installer les malades, au cas où il n'y aurait plus de place à l'hospice...
"Et maintenant, que vont devenir sa femme et ses 4 enfants? Le plus jeune a à peine 5 ans. Ma femme et moi, on pourra peut-être les aider un peu, mais on a encore une grande fille à charge et je suis vieux et fatigué. Son frère aussi, François, sans doute également, mais lui et sa famille, eux non plus, ils ne mangent pas tous les jours à leur faim."

Je renonce à parler à Jean Dominique. Que pourrais-je lui dire ? Que la situation de sa famille va s'arranger? Je ne pense pas que ce soit vrai malheureusement. Que l'épidémie va cesser rapidement? C'est faux. Que les médecins vont trouver un remède efficace contre le choléra? Cette découverte n'interviendra que bien plus tard.

Je reste un peu désemparée face à ce père qui vient de perdre son fils. Pour un prochain rendez-vous ancestral, j'aimerais bien - enfin - croiser un ancêtre heureux...

***

L'épidémie de Choléra Morbus arrive en France en mars 1832, après avoir touché d'autres pays européens : la Russie, l'Allemagne, le Royaume-Uni. Cette épidémie touchera une grande partie de la France : de la Seine et Marne aux Bouches-du-Rhône, en passant par le Finistère, la Moselle, l'Ariège...
Le choléra fera 19 000 victimes à Paris en 6 mois, autant à Marseille. Au total, 100 000 personnes décéderont du Choléra pendant cette épidémie, entre mars et septembre-octobre 1832. Parmi les milliers de victimes anonymes, il y a eu quelques cas célèbres dont le Président du Conseil de l'époque, M. Casimir Périer, mort du choléra le 16 mai 1832 à Paris.

A Pont-Sainte-Maxence, elle fera 87 morts d'après Wikipedia. Dans le village de Pontpoint, limitrophe à Pont, l'épidémie aurait fait 300 victimes sur les 850 habitants qu'il comptait en 1831. 

Le roman Le Hussard sur le toit de Jean Giono se déroule en Provence pendant cette épidémie de 1832.

samedi 16 décembre 2017

A l'approche de Noël - #RDVAncestral décembre 2017



Pinterest
 
En ce mois de décembre, comme beaucoup, je suis en plein dans les cadeaux de Noël pour mes proches. Et pour mes parents, suite à une remarque du genre « Je ne comprends rien à ton logiciel mais j’aimerais bien t’aider », j’ai cherché une idée originale pour leur présenter leur généalogie et j’ai donc décidé de leur offrir à chacun un livre généalogique. 

www.livre-genealogique.fr

Mais bien sûr, je compte bien leur offrir entièrement complété, du moins complété en fonction de l'avancée de mes recherches à ce jour. 
 
Et donc, depuis 10 jours, je suis en rendez-vous ancestral quasi quotidien avec 64 ancêtres de chacun de mes parents, donc avec 128 de mes ancêtres. 

Je rencontre donc à nouveau des ancêtres proches ou plus éloignés, certains que je connais bien parce que j’ai eu la chance de les côtoyer (bonjour mémé!, bonjour mamie!), certains que j’ai l’impression de connaître car j’ai beaucoup étudié leur vie (bonjour mon cher Georges!, bonjour Pierre!) et d’autres que je ne connais que par leur nom, sans aucun autre élément de vie  (bonjour Elisa!, bonjour François!).

Je rencontre également leurs frères et sœurs, souvent nombreux. 

Je remarque certains détails passés jusque là inaperçus, comme ces frères portant le même prénom et que je soupçonne d’être en réalité un doublon.

Je me surprends à leur parler, à leur poser des questions (Dis donc Philomène, tu ne voudrais pas me donner une indication sur ton lieu de décès, je n’ai plus trop d’idée où chercher...? Et toi ma petite Louise, est-ce que tu as eu d’autres enfants? Deux seulement séparés de quinze ans, ça m'étonne vu l'époque. Bon, je vais les noter au crayon de papier, ce sera mieux si je dois modifier...). Malheureusement, ils ne me répondent pas beaucoup en ce moment, ils doivent être occupés ailleurs...

Et enfin, il y a tous ceux dont j’ignore tout, même le nom, et qui me font laisser des pages blanches dans ces livres. Et j’avoue que j’ai comme un pincement au cœur en tournant ces pages sans rien y inscrire...

Malgré tout, ces petits rendez-vous me donnent le sourire et me font aimer de plus en plus la généalogie. D'abord, les pages blanches me font présager des heures et des heure de recherches et de belles découvertes.Ensuite, je me sens proche de tous ces gens, j’ai de l’affection pour eux, même les plus anciens et même ceux dont je ne sais rien, liés que nous sommes par les liens du sang (du moins, parfois, les liens du sang officiels...).

Je me doute bien qu’ils sont moins parfaits que la représentation que je me fais d’eux. Pour certains, j’en ai même la preuve mais il m’est impossible de les juger. Je n’ai pas vécu leur vie, à leur époque, avec les difficultés de toutes sortes qu’ils ont pu rencontrer. Et même si les archives sont riches en France, je ne peux m'empêcher de penser que je ne saurai jamais complétement ce qui a pu les conduire à agir de telle ou telle façon. 

Bon, toutes ces considérations sont bien belles, mais les livres ne se remplissent pas tout seuls! Il faut que j'y retourne si je ne veux pas finir pendant le réveillon du 24, alors que ma famille dévorera la bûche... 

Archives personnelles

samedi 18 novembre 2017

Un hiver dans le Jura - #RDVAncestral


Guillaume du blog Le Grenier des Ancêtres nous invite tous les mois à remonter le temps pour partir à la rencontre d'un ancêtre et à raconter ce rendez-vous.


Ce mois-ci, j'avais envie de partir à la découverte de mes ancêtres paternels, dans le Jura. Je me trouve donc au Vaudioux, dans ce petit village près de Champagnole, dont sont originaires mes ancêtres paternels et là où, par hasard, j’ai fait mes premiers pas.

Par contre, je n'arrive pas à déterminer l'époque. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas le XXIème siècle. Pas de voitures, pas de lignes téléphoniques, et surtout pas d’église. Donc avant 1837.

Il fait très froid et la neige a envahi le village. Tout est blanc et silencieux. La neige épaisse craque sous mes pieds et j’aime la sensation que cela procure. Il faut dire que cela m’arrive rarement, à moi la parisienne émigrée en Charente.

En passant devant une petite maison du cœur du village, j’entends une femme hurler.  
Inquiète pour elle, je m'approche et me décide à pousser la porte. Je découvre alors une grande agitation. 

Des femmes vont et viennent sans cesse entre la pièce principale et une autre pièce que j’imagine être la chambre à coucher. Deux hommes sont attablés, près du feu, l’air un peu perdu. Personne ne fait attention à moi.

L'intérieur est assez simple, peu meublé, comme la plupart des habitations des paysans du XVIIIème siècle. Quelques bougies sur la table éclairent la pièce.

Un nouveau cri retentit de la pièce d’à côté. Je comprends qu’il s’agit d’une femme en train d’accoucher et visiblement, cela ne se passe pas sans difficulté. 

Soudain, l’une des femmes revient dans la pièce et interpelle les deux hommes : «L'enfant est pratiquement sorti mais il y a de grands risques pour qu’il ne survive pas. Il faudrait procéder à l’ondoiement. Léonard, peux-tu venir m’aider? »

Sur ces mots, tout s’éclaire. Je suis donc dans la maison d’Alexis Paget et de sa femme Geneviève Paris, le 8 janvier 1767. J’assiste à la naissance de leur deuxième enfant, un petit garçon et Léonard est le frère d’Alexis et mon ancêtre, mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père.
Et parmi les femmes qui aident Geneviève, l’une d’elles doit être Marie Anne Paris, la femme de Léonard et la sœur aînée de Geneviève.

Alexis attrape le bras de son frère et le retient alors que Léonard se lève : « Fais tout ton possible, je ne veux pas que cet enfant erre dans les limbes, sa mère en deviendrait folle. »
« Je te le promets, Alexis. Et quand tout sera fini, on ira à Chatelneuf voir le curé ». 

En entendant ces mots, je fouille dans ma mémoire et réalise qu’il y a à peine plus d’un an, Alexis et Geneviève ont perdu leur premier enfant, un petit garçon prénommé Jacques et âgé de quelques jours seulement. 
Je n’arrive pas à imaginer le déchirement que ce doit être alors je n'ose imaginer ce que ce doit être de connaitre cette terrible situation plusieurs fois dans sa vie. Ajoutez à cela le poids de la religion et l'importance du baptême dans la vie de nos ancêtres... 
Je réalise alors un peu plus la chance que j’ai de vivre là où je vis et à l’époque à laquelle je vis...

Banque d'images et de portraits - Cote : CISB0806 - BIU Santé Paris

L’avantage (ou pas?) de ces rendez-vous ancestraux est que ceux qui s’y aventurent connaissent souvent la fin de l’histoire. 

Et justement, sachant que cette histoire ne se terminera pas bien, je sors discrètement de la petite maison pour laisser cette famille vivre ce moment en paix. 

En effet, selon le registre paroissial de l'église de Chatelneuf, Léonard procède finalement à l’ondoiement par « infusion de l’eau sur le ventre » du bébé qui était sorti « sauf la tête ».
Une demi-heure plus tard, c'est un petit garçon qui naît mais malheureusement les parents n'auront pas le temps de lui donner un prénom puisqu'il décède quelques minutes plus tard. Le lendemain, le 9 janvier, il est inhumé dans le cimetière de l’église de Chatelneuf, à 3 km du Vaudioux, dans le froid et la neige de l'hiver jurassien.

La petite église de Chatelneuf, avec son clocher typiquement jurassien, et son cimetière. Wikipedia

samedi 16 septembre 2017

#RDVAncestral - Deuxième

16 septembre 2017, un an de RDV ANCESTRAUX
Aujourd'hui, pour fêter cet anniversaire, j'ai rendez-vous avec celui que je n'ai pas connu mais dont j'entends parler depuis toute petite, celui dont je conserve religieusement la moindre photo, le moindre petit bout d'archive et que j'ai l'impression de connaitre.

Celui aussi pour lequel j'ai commencé à faire de la généalogie, curieuse de connaitre encore un peu plus son histoire.

Mon arrière-grand-père paternel, Georges Ernest Deharvengt.
Georges Deharvengt. Collection personnelle - Tous droits réservés

Né le 24 septembre 1876 à Montigny en Cambrésis (59), il est arrivé à Saint-Thibault des Vignes, en Seine et Marne, avec ses parents dans les années 1880.
Il devient instituteur public et épouse Georgette Emma Paquier à Saint-Thibault le 12 octobre 1903. Il passe la plus grande partie de sa carrière dans la petite école de Villevaudé (77) avant de revenir, au moment de sa retraite à Saint-Thibault, dont il deviendra maire entre 1932 et 1938. Il y décédera entouré de toute sa famille le 19 février 1958.

Mais je vais un peu vite en besogne, j'ai choisi d'aller à sa rencontre le 16 septembre 1917, il y a tout juste 100 ans. 

A ce moment-là, il a dépassé la quarantaine et est déjà père de 3 enfants : Pierre, né le 24 octobre 1905, Jeanne, ma grand-mère, née le 7 janvier 1911 et Andrée, née le 6 juin 1913. Quelques mois après la guerre, sa dernière fille, le 16 mai 1919, Suzanne viendra au monde.

Mais ce jour-là, il est loin de sa femme et de ses enfants, il se trouve à Beurey, dans l'Oise, avec ses compagnons du 129e RI, les "Rastapoils".

Je le rencontre à l'arrière du front, il discute avec ses collègues sous-lieutenants.

Je le reconnais assez facilement grâce à la description figurant sur son livret militaire : 1 mètre 68, cheveux et sourcils blonds, front ordinaire, nez et bouche moyens, menton rond et visage ovale. Il porte un brassard noir en souvenir de sa mère décédée quelques mois plus tôt.

Georges est assis, à gauche. Collection personnelle - Tous droits réservés


Je suis très émue avant d'oser lui parler. Prenant mon courage à deux mains, je m'approche et lui explique que je suis la petite-fille de sa petite Jeannette, que je viens spécialement du XXIème siècle pour le voir. Je lui explique également que je fais de la généalogie et que, depuis quelques temps, je voyage dans le passé rencontrer en chair et en os les personnes qui m'ont marquée au fil de mes recherches. 

Je ne sais pas vraiment si cet homme, instituteur de la IIIè République, anti-clérical, qui ne croit en rien d'autre qu'en la science et l'instruction, me croit ou s'il me prends pour une folle.

Toujours est-il qu'il m'invite à m'asseoir près de lui. 

- Mais je te préviens, je n'ai pas beaucoup de temps à t'accorder : nous avons reçu l'ordre de quitter notre position. Nous partons aujourd'hui : nous rejoignons d'abord Sauvigny.  

Mais au bout de trois ans de guerre, les soldats sont fatigués. Et malgré leur volonté farouche de protéger leur pays, la lassitude arrive. 
Tu sais, quelques jours après mon arrivée dans ce régiment, en juin, 4 soldats ont été fusillés pour cause d'abandon de poste et de refus d'obéissance devant l'ennemi. Ce fut un moment très difficile à vivre, je ne pense pas pouvoir raconter tout ce que j'ai vu et vécu à ma famille, si je reviens vivant de tout cela.

Je ne sais que trop bien les dégâts causés par cette longue guerre sur les hommes. J'ai été blessé, mon frère aussi et je vois tous les jours des camarades être tués, blessés ou avec des graves troubles mentaux à cause des combats. Je souhaite qu'elle termine le plus rapidement possible. 

Je suis très inquiet pour Georgette et mes chers petits. Tu sais en 1914, pendant la Bataille de la Marne, les combats sont arrivés jusqu'à Lagny. Je ne sais pas si tu connais, c'est à côté de chez moi.

Le Pont de pierre détruit - Gallica, BNF

- Oui, bien sûr que je connais. La famille habitait encore à Saint-Thibault au début du XXIème siècle.

- Ah, c'est bien, j'en suis fier. Et bien, ils entendaient les combats se dérouler et le pont de pierre a même été détruit. Georgette est forte, elle est bien entourée et Pierrot est grand maintenant. Il peut aider sa maman mais il doit aussi continuer à bien travailler à l'école. Il le sait, je lui répète continuellement, dans les courriers que je lui envoie.

J'ai des nouvelles régulièrement, la poste fonctionne plutôt bien, tu sais. 

- Oui, je sais que vous vous écrivez beaucoup avec grand-mère Georgette. J'ai toute une collection de cartes postales que vous vous êtes échangées pendant tes périodes de service militaire à Coulommiers. Par contre, je n'ai aucune trace de vos échanges pendant cette guerre. 

- Ah? Pourtant, je lui envoie des lettres tous les jours ou presque.L'avantage de vivre à la campagne, c'est que je sais qu'ils auront toujours quelque chose à manger. Mais je suis tout de même inquiet, Georgette m'a appris il y a quelques temps que des tickets de rationnement ont été mis en place pour le pain et le sucre. Mes petites Jeannette et Dédée vont être bien tristes si elles n'ont pas leur petit bout de pain avec de la confiture...

Soudain, il s'interrompt. On vient d'entendre que quelqu'un l'appelle.

- Je suis désolée, ma petite, je vais devoir te laisser. Nous levons le camp.

- J'aurais tellement de choses à te dire et à te demander. Je suis très heureuse de t'avoir rencontré, tu as tellement d'influence dans la vie des gens de ta famille, encore dans le siècle dans lequel je vis. Je vais simplement te dire que tu vas revenir vivant chez toi, que tu auras ton lot de petits et de de grands malheurs, comme tout le monde, mais tu as encore des choses passionnantes à vivre.

Pour plus de détails sur la vie riche de Georges Deharvengt :


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