16 septembre 2017, un an de RDV ANCESTRAUX
Aujourd'hui,
pour fêter cet anniversaire, j'ai rendez-vous avec celui que je n'ai
pas connu mais dont j'entends parler depuis toute petite, celui dont je
conserve religieusement la moindre photo, le moindre petit bout
d'archive et que j'ai l'impression de connaitre.
Celui aussi pour lequel j'ai commencé à faire de la généalogie, curieuse de connaitre encore un peu plus son histoire.
Mon arrière-grand-père paternel, Georges Ernest Deharvengt.
Georges Deharvengt. Collection personnelle - Tous droits réservés |
Né
le 24 septembre 1876 à Montigny en Cambrésis (59), il est arrivé à
Saint-Thibault des Vignes, en Seine et Marne, avec ses parents dans les
années 1880.
Il devient instituteur public et épouse Georgette
Emma Paquier à Saint-Thibault le 12 octobre 1903. Il passe la plus
grande partie de sa carrière dans la petite école de Villevaudé (77)
avant de revenir, au moment de sa retraite à Saint-Thibault, dont il
deviendra maire entre 1932 et 1938. Il y décédera entouré de toute sa
famille le 19 février 1958.
Mais je vais un peu vite en besogne, j'ai choisi d'aller à sa rencontre le 16 septembre 1917, il y a tout juste 100 ans.
A ce moment-là, il a dépassé la quarantaine et est déjà père de 3 enfants : Pierre, né le 24
octobre 1905, Jeanne, ma grand-mère, née le 7 janvier 1911 et Andrée,
née le 6 juin 1913. Quelques mois après la guerre, sa dernière fille, le
16 mai 1919, Suzanne viendra au monde.
Mais ce jour-là, il est loin de sa femme et de ses enfants, il se trouve à Beurey, dans l'Oise, avec ses compagnons du 129e RI, les "Rastapoils".
Je le rencontre à l'arrière du front, il discute avec ses collègues sous-lieutenants.
Je
le reconnais assez facilement grâce à la description figurant sur son
livret militaire : 1 mètre 68, cheveux et sourcils blonds, front
ordinaire, nez et bouche moyens, menton rond et visage ovale. Il porte
un brassard noir en souvenir de sa mère décédée quelques mois plus tôt.
Georges est assis, à gauche. Collection personnelle - Tous droits réservés |
Je
suis très émue avant d'oser lui parler. Prenant mon courage à deux
mains, je m'approche et lui explique que je suis la petite-fille de sa petite
Jeannette, que je viens spécialement du XXIème siècle pour le voir. Je
lui explique également que je fais de la généalogie et que, depuis
quelques temps, je voyage dans le passé rencontrer en chair et en os les
personnes qui m'ont marquée au fil de mes recherches.
Je
ne sais pas vraiment si cet homme, instituteur de la IIIè République,
anti-clérical, qui ne croit en rien d'autre qu'en la science et
l'instruction, me croit ou s'il me prends pour une folle.
Toujours est-il qu'il m'invite à m'asseoir près de lui.
- Mais
je te préviens, je n'ai pas beaucoup de temps à t'accorder : nous avons
reçu l'ordre de quitter notre position. Nous partons aujourd'hui : nous
rejoignons d'abord Sauvigny.
Mais au bout de trois ans de guerre, les soldats sont fatigués. Et malgré leur volonté farouche de protéger leur pays, la lassitude arrive.
Tu
sais, quelques jours après mon arrivée dans ce régiment, en juin, 4
soldats ont été fusillés pour cause d'abandon de poste et de refus
d'obéissance devant l'ennemi. Ce fut un moment très difficile à vivre,
je ne pense pas pouvoir raconter tout ce que j'ai vu et vécu à ma
famille, si je reviens vivant de tout cela.
Je
ne sais que trop bien les dégâts causés par cette longue guerre sur les
hommes. J'ai été blessé, mon frère aussi et je vois tous les jours des
camarades être tués, blessés ou avec des graves troubles mentaux à cause
des combats. Je souhaite qu'elle termine le plus rapidement possible.
Je
suis très inquiet pour Georgette et mes chers petits. Tu sais en 1914,
pendant la Bataille de la Marne, les combats sont arrivés jusqu'à Lagny.
Je ne sais pas si tu connais, c'est à côté de chez moi.
Le Pont de pierre détruit - Gallica, BNF |
- Oui, bien sûr que je connais. La famille habitait encore à Saint-Thibault au début du XXIème siècle.
-
Ah, c'est bien, j'en suis fier. Et bien, ils entendaient les combats se
dérouler et le pont de pierre a même été détruit. Georgette est forte,
elle est bien entourée et Pierrot est grand maintenant. Il peut aider sa
maman mais il doit aussi continuer à bien travailler à l'école. Il le
sait, je lui répète continuellement, dans les courriers que je lui
envoie.
J'ai des nouvelles régulièrement, la poste fonctionne plutôt bien, tu sais.
-
Oui, je sais que vous vous écrivez beaucoup avec grand-mère Georgette.
J'ai toute une collection de cartes postales que vous vous êtes
échangées pendant tes périodes de service militaire à Coulommiers. Par
contre, je n'ai aucune trace de vos échanges pendant cette guerre.
-
Ah? Pourtant, je lui envoie des lettres tous les jours ou
presque.L'avantage de vivre à la campagne, c'est que je sais qu'ils
auront toujours quelque chose à manger. Mais je suis tout de même
inquiet, Georgette m'a appris il y a quelques temps que des tickets de
rationnement ont été mis en place pour le pain et le sucre. Mes petites
Jeannette et Dédée vont être bien tristes si elles n'ont pas leur petit
bout de pain avec de la confiture...
Soudain, il s'interrompt. On vient d'entendre que quelqu'un l'appelle.
- Je suis désolée, ma petite, je vais devoir te laisser. Nous levons le camp.
- J'aurais tellement de choses à te dire et à te demander. Je suis très heureuse de t'avoir rencontré, tu as
tellement d'influence dans la vie des gens de ta famille, encore dans le
siècle dans lequel je vis. Je vais simplement te dire que tu vas
revenir vivant chez toi, que tu auras ton lot de petits et de de grands
malheurs, comme tout le monde, mais tu as encore des choses
passionnantes à vivre.
Pour plus de détails sur la vie riche de Georges Deharvengt :
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